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Tourisme : Il faut sauver la mare aux crocodiles sacrés de Bazoulé
jeudi 18 avril 2019

Bazoulé est un village de la commune rurale de Tanghin-Dassouri, dans la province du Kadiogo, région du Centre. Ce dimanche 14 avril 2019 dans la matinée, nous enfourchons notre monture. Laissant le soleil briller sur notre dos, le cap est mis sur le village où crocodiles et habitants cohabitent en toute symbiose. Après 50 minutes de piste rurale, nous voici en contact avec les premières concessions de Bazoulé. Il n’y a rien d’extraordinaire. Les populations vaquent à leurs occupations. Certains habitants sont à l’église, d’autres à la mosquée. Au palais, le chef du village reçoit les salutations matinales de ses « sujets ». Les assoiffés de la bière de mil, eux, ont déjà pris d’assaut les cabarets. Ainsi va la vie quotidienne à Bazoulé !

L’équipe de Lefaso.net n’a pas eu de difficultés particulières à retrouver le site des crocodiles sacrés de Bazoulé. Des panneaux d’indication sont fixés un peu partout. Un dernier vrombissement de notre engin et nous voilà aux abords de la mare. A droite de la retenue d’eau, le campement du site, érigé pour recevoir les visiteurs. Nous stationnons devant le portail, le temps de contacter au téléphone un certain Raphaël, pour l’informer de notre arrivée.

Pendant que nous étions en ligne avec Raphaël, un jeune homme s’avança vers nous. « Bonjour ! », nous a-t-il lancé, avant de poursuivre : « Je suis un guide. Que puis-je faire pour vous ? ». « Rien pour le moment ! », avons-nous répondu. Il retourna sur ses pas, dans une bicoque située non loin de là. Pendant que nous le regardions s’assoir, un homme se présenta à nous. C’est Raphaël Kaboré, notre contact.

Il est membre de l’Association tourisme et développement de Bazoulé (ATDB). C’est la structure qui s’occupe du site touristique. Elle compte une cinquantaine de membres. Raphaël est grand de taille. Flanqué d’un pantalon jean et d’un tee-shirt jaune, il nous souhaite la bienvenue. C’est lui le trésorier de l’association. D’un geste de la main, il nous fait signe de le suivre. Il nous conduit à la bicoque. C’est le bureau des guides.

C’est une petite maison. Une dizaine de guides y travaillent. C’est à ce bureau qu’on prend les tickets pour accéder au site, accompagné d’un guide désigné. Pour avoir accès au site, « nous avons des tarifs préférentiels », explique Raphaël.

L’accès au site est conditionné par le paiement de tickets. Pour un adulte, le coût est de 1 500 F CFA. Pour les enfants de 7 à 12 ans, c’est la modique somme de 250 F CFA. Pour un groupe de 10 personnes, un forfait de 13 000 F CFA est accordé. Pour faire sortir les caïmans de l’eau, il faut un poulet pour les appâter. Les gallinacés, disponibles sur place, coûtent 2 000 F CFA l’unité.

Le tourisme rapporte au village plus de 6 millions de FCFA par an

Pour joindre l’utile à l’agréable, l’ATDB a mis sur pied un campement comprenant des logements et une cuisine. Les maisons en case coûtent 10 000 F la nuitée. Chaque année, c’est plus de 6 millions de F CFA que le tourisme rapporte au village. Cet argent est utilisé pour entretenir le site. Les retombées financières permettent également d’acheter des fournitures scolaires pour les élèves de la localité.

C’est dans cette manne aussi que l’association réserve de quoi venir en soutien aux veuves et aux vieilles du village, surtout en périodes de soudure. Ce soutien se décline en apport en vivres et en offres de soins. Grâce au site, des activités génératrices de revenus sont créées. Des artisans y font la forge, des femmes vendent des produits forestiers non-ligneux. Les vendeuses de bière de mil, elles aussi, sont présentes. Tous s’en sortent à bon compte ! Et cela, grâce à la présence des crocodiles à la mare de Bazoulé.

Ces reptiles sont là depuis le 16e siècle, à en croire notre guide du jour. Ils font partie de la famille des crocodiles du Nil. La différence avec les autres animaux du village, c’est qu’ils sont sacrés et, par conséquent, protégés. Ils ne constituent pas non plus un danger pour la population. L’histoire retient qu’au début, la population souffrait de soif. Il n’y avait pas d’eau. C’est alors que l’animal conduisit les habitants à son lieu d’habitation. Il y avait de l’eau en ce lieu. Ces habitants étanchèrent leur soif et abreuvèrent leurs animaux. Depuis lors, un lien d’amitié et de sacralité s’est créé entre les deux êtres : les crocodiles et les habitants.

En guise de reconnaissance aux sauriens, les populations creusèrent, à la main, la fameuse mare de Bazoulé. C’était sous le règne de Naaba Kuulga. Depuis ce temps aussi, les crocodiles sont vénérés. Chaque année, des offrandes sont faites. Ce sont des poulets, des chèvres et des ânes qui sont donnés en sacrifice.

C’est le Koo-m Lakré (cérémonie d’hommage aux crocodiles). Depuis la nuit des temps, les habitants et les crocodiles de Bazoulé cohabitent en toute symbiose. Personne n’agresse ni ne dérange l’autre. « Quand un crocodile meurt, il bénéficie des mêmes rituels qu’un être humain », nous apprend Raphaël. Et comme témoignage, il nous pointe du doigt une tombe ressente. C’est celle d’un des vieux crocodiles qui a rendu l’âme il y a quelques jours.

La mare presque asséchée s’étend sur une petite superficie

Après cette petite entrevue, nous nous décidons enfin d’aller sur le site, sous la bienveillance de notre guide. C’est à quelque pas du campement. A pas lents, nous montons ensemble sur une digue qui offre une vue panoramique sur la mare. Elle est presque aride en ce temps de forte chaleur. De loin, nous apercevons des têtes de quelques reptiles émergeant de ce qui reste encore comme eau.

Nous descendons de la digue. Le soleil est maintenant au zénith. Là, à quelques mètres, il y a de la boue. « En ces lieux, l’eau a disparu la veille », nous raconte Raphaël, l’air bien triste. Le peu d’eau qui reste se trouve dans trois points qui, malheureusement, ne sont pas profonds. Les crocodiles font avec ! Ils sont plus de 200 à se confiner dans ce peu d’eau qui reste.

Pendant que nous prenons des images, les premiers touristes arrivent. Ce sont des élèves et des expatriés. A leur tête, un guide, tenant dans sa main droite un bâton ; et des poulets de l’autre main. Le guide avance vers la mare. Au bord de l’eau, un crocodile prend un bain de soleil. Il doit certainement avoir faim. « C’est un mâle », nous souffle notre guide. En file indienne, les touristes du jour prennent des photos, assis sur l’animal. Celui-ci ne montre aucun signe d’agressivité. « C’est top génial. J’ai ressenti des sensations fortes quand j’étais sur l’animal. Je suis tout heureux », nous confie Kader Daboné, élève dans un lycée de la capitale Ouagadougou.

De l’autre côté de la mare, un autre guide tient un bâton, au bout duquel se débat un poulet. A ses côtés, un certain nombre d’expatriés. Ils sont là pour voir comment le crocodile va « déguster » son poulet. Le guide soulève le poulet accroché à son bâton, au-dessus de la tête du reptile. Celui-ci ouvre doucement sa gueule.

Le guide fait semblant de laisser tomber le poulet dans cette gueule grandement ouverte. L’animal fait comme s’il n’est pas intéressé. Il profite d’un moment où le guide baisse de concentration et d’un bon d’environ un demi-mètre, décroche le poulet. Pendant que l’assistante rit de joie, le crocodile, lui, prend la direction de l’eau, sûrement heureux du festin dont il va se régaler.

La survie des reptiles est menacée

En plus des poulets, les crocodiles se nourrissent de poissons. Ces poissons se font rares avec l’assèchement de la mare. Dans le 3e point d’eau, les crocodiles qui y sont ont peu de chance de se nourrir. Point de touristes ; donc pas de poulets. Parmi eux, un crocodile aveugle. Il a plus de cent ans. Depuis le matin, il n’a pratiquement rien mangé. Tout comme lui, ils sont nombreux, ceux qui n’avaient rien avalé de la journée. « Souvent », indique le guide, « la faim amène certains crocodiles à manger les tout-petits.

La survie des reptiles est donc menacée. Les causes sont aussi bien naturelles qu’humaines. La mare est ensablée. Donc cela réduit considérablement la capacité de la mare à retenir l’eau. Le peu d’eau aussi qui est stockée s’évapore du fait du soleil ardent.

La plus grande menace vient de la culture maraichère sur les bas-côtés de la digue

Les crocodiles partagent la mare avec les hommes. D’aucuns y vont pour enlever l’eau aux fins de satisfaire leurs besoins quotidiens. Mais la plus grande menace vient de la culture maraîchère aux bas-côtés de la digue. L’eau y est pompée pour irriguer les champs. « Nous allons faire comment ? Nous aussi, nous voulons manger », se justifie un maraîcher.

Il reconnait tout de même que la disparation des crocodiles serait un sacrilège pour le village. Mais que faire ? C’est le même son de cloche chez Naaba Kiiba, le chef de Bazoulé, à qui nous sommes allés présenter nos hommages. Assis sur son trône devant sa porte, une bouffée de tabac dans la bouche, le chef semble inquiet. Il se rappelle que le village a déjà frôlé le pire une fois. Cette année-là, la mare avait tari. Il a fallu qu’on y déverse de l’eau avec des citernes pour sauver les animaux.

Les crocodiles sont considérés comme les âmes des habitants

Aujourd’hui, la main sur le cœur, le chef n’a qu’un seul vœu : la construction et le désensablement de la mare aux crocodiles sacrés de Bazoulé. Le plus souvent, quand un crocodile meurt, un fils du village passe également l’arme à gauche. Ce n’est certes pas toujours le cas, mais cela arrive. Les crocodiles sont de facto considérés comme les âmes des habitants.

A ce propos, notre guide se souvient : « Quand le plus vieux crocodile est mort, les forces du patriarche des Kaboré de Bazoulé l’avaient abandonné. ». En clair, lui aussi est mort. Plusieurs personnes ont vu leurs souhaits exaucés après avoir fait la demande aux crocodiles. Des parents ont procréé après un passage à Bazoulé. Des citoyens ont repris goût à la vie après avoir fait un tour au bosquet sacré. Bref, les miracles sont nombreux.

Il est 14h00, la chaleur se fait toujours sentir. Les hommes sont sous l’ombre des arbres, les animaux aussi. L’on n’entend plus que le chant des oiseaux, comme pour bercer le village. C’est alors que nous répriment la route de Ouagadougou. Nous avons une vingtaine de kilomètres à parcourir. Nous sommes repartis tout en laissant les habitants de Bazoulé avec leur crainte : « Comment assurer la survie des crocodiles sacrés ? ».

En route, pendant que le vent sec et chaud soufflait sur nous, l’on se demandait : « Et si la mare tarissait, serait-ce la fin pour les crocodiles de Bazoulé ou ces reptiles conduiront-ils les habitants du village vers d’autres horizons où ils pourront de nouveau trouver de l’eau à gogo ? ». Le mystère reste entier !

Dimitri OUEDRAOGO et Bonaventure Paré (Photo)
Lefaso.net





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