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Sa Majesté le Roi Gan : « Un homme sans culture, est un homme sans âme »
mardi 29 octobre 2013

Lefaso.net : Est-ce facile de gouverner les Gans ?

Sa Majesté le Roi Gan : Assumer pleinement le rôle de chef de famille n’est déjà pas facile, à plus forte raison gouverner une société composée en majorité d’analphabètes. J’ai été choisi par les sages et j’accepte ce choix ; donc je dois gérer conflits, notamment les problèmes terriens.

Lefaso.net : Vous avez participé au Forum sur l’incivisme organisé en mai 2013. Quel message vous, autorités coutumières avez à lancer face à ce phénomène ?

Sa Majesté le Roi Gan : Nos enfants ont des comportements bizarres et ils réagissent violemment quand ils ne sont pas contents. Ont-ils conscience de ce qu’ils font ou sont-ils manipulés ? On ne parle que des droits des enfants, jamais de leurs devoirs et c’est ce qui entraîne les problèmes que nous connaissons actuellement. Aujourd’hui, les élèves qui ne pensent pas à l’avenir se mettent à brimer les gens oubliant qu’ils peuvent être un jour à la même place. Il y a aussi des adultes qui agissent comme des enfants et qui ne prennent pas le temps de la concertation avant de trancher. La violence ne sert à rien. Quant il s’agit de revendication, il faut qu’elle soit pacifique et non pas violente ; on ne doit pas casser des édifices publics ou faire du mal aux gens qu’on croise en pleine circulation. Je n’incrimine pas les médias, en disant qu’ils sont mauvais, surtout la télévision, parce que c’est à nous de faire la différence entre le bon et le mauvais. Mais si on prend uniquement le côté négatif, on ne pourra jamais avancer. Avant on éduquait les enfants le soir, maintenant on les laisse devant la télé alors qu’ils ne sont pas toujours capables de prendre du recul par rapport aux images qu’ils regardent.

Lefaso.net : Rencontrez-vous des difficultés particulières pour transmettre la tradition aux jeunes ?

Sa Majesté le Roi Gan : Non, pour ce qui est de transmettre la tradition aux jeunes, je n’ai pas de problèmes particuliers parce que c’est mon devoir de leur dire ce qui est bon et ce qui peut être mauvais. Mon devoir est de sensibiliser les gens pour qu’ils s’accrochent à leurs traditions, leur culture, parce que un homme sans culture, c’est comme un homme sans âme. Aujourd’hui, si la modernité est là, c’est pour nous aider à pouvoir avancer, mais il n’est pas question de bannir la tradition.

Dans le monde de la musique, le piano, c’est le balafon africain qu’on a modernisé et valorisé ; il en est de même de la kora. Pourquoi allons abandonner tout ça ? Il faut que nous aussi, nous préservions notre propre culture, et même s’il faut accepter celle des autres, il faut d’abord connaitre la nôtre d’abord.

Lefaso.net : Dans le rapport au passé, que représentent les sanctuaires pour vous et le peuple Gan ?

Sa Majesté le Roi Gan : Les sanctuaires, que d’autres qualifient de tombes de rois, sont des représentations des rois qui ont eu à régner, et les nouvelles générations doivent savoir le nombre de rois qui se sont succédés avant moi. Nous sommes une société de l’oralité et si aujourd’hui, les sanctuaires sont visités, c’est que nous avons pu garder et transmettre ce qu’ils représentent pour nous. Aujourd’hui, Obiré reçoit des touristes, mais ce n’est pas seulement mon royaume qui en profite, c’est tout le Burkina, parce que les touristes dorment dans des hôtels, louent des véhicules, mangent dans des restaurants, etc. Mieux, il y a même des touristes qui viennent nous aider à développer le royaume et c’est grâce au tourisme que l’école de six classes d’Obiré a été construite. Il faut donc que ces sanctuaires soient toujours préservés pour le bénéfice de la nation.

Lefaso.net : Quelles sont les traces que vous souhaitez laisser ?

Sa Majesté le Roi Gan : Oh, vous savez, le sel ne se félicite pas, donc je ne peux pas dire quelles sont les traces que je laisserai. Ce sont les conseillers et les sujets qui notent et qui diront ce que tel ou tel roi a fait ou n’a pas fait. Vous avez été aux sanctuaires et on vous a parlé d’un roi qui était méchant ! Tout roi doit laisser des traces et même si nous sommes tous des humains, chacun a sons caractère et sa façon de voir les choses. Ce que mes prédécesseurs ont vécu, aujourd’hui je ne le vis pas parce que dans le royaume, il y a maintenant presque toutes les ethnies du Burkina, ce qui n’était pas le cas avant. Il y a donc des choses qu’on faisait avant et qu’on ne peut plus faire ; je dois alléger certaines pratiques ou même les bannir s’il le faut.

Si un étranger vient dans mon royaume, il faut savoir lui dire les choses à respecter mais par la sensibilisation et non par la violence parce qu’il ignore nos façons de faire. Il nous appartient de l’emmener à comprendre et apprendre à bien se comporter et c’est ainsi que je vois les choses. Est-ce pour cette raison qu’on dit que je suis un roi ouvert ? Je n’en sais rien, mais moi, je peux penser le contraire !

Lefaso.net : Au-delà de la langue, qu’est-ce qui constitue l’identité d’un Gan ?

Sa Majesté le Roi Gan : Aujourd’hui, il n’y a plus les cicatrices qu’on faisait sur le visage et sur les autres parties du corps et qui permettaient de savoir de quel royaume chacun venait. Dans les traditions, il y a des choses que nous avons acceptées d’abolir comme l’excision. Pour savoir qui est Gan, c’est assez complexe à comprendre parce qu’on peut se considérer comme Gan mais il y a des choses qui prouveront que vous ne l’êtes pas à 100%, que vous êtes métis. Vous le saurez quand on aura besoin de la succession dans la chefferie. Nous sommes une société à dominance matriarcale pour la royauté, et les autres postes de la chefferie sont réparties en fonction du matri clan.

Il y a quatre clans et on sait quel sous-clan doit occuper tel poste et à qui s’adresser pour l’occuper. Au moment de pourvoir les postes, on sait qui est à 100% Gan ou ne l’est pas. Vous savez qu’avant, quand le roi décidait, personne ne pouvait le contredire et s’il décide par exemple de marier une fille, ça se fera. Mais si cette fille porte une grossesse de sept mois, comment on peut savoir que l’enfant est bien l’enfant du roi ? Ce sont les femmes qui diront un jour, l’enfant né de cette fille n’est pas à 100% l’enfant du roi, elle était en grossesse quand le roi l’a mariée et il ne le savait pas. Vous savez, les femmes maitrisent bien les secrets que les hommes et quand de telle situation arrive, ça posera un problème à l’enfant pour la succession.

Lefaso.net : Quels sont les autres critères dans le choix du nouveau roi Gan ?

Sa Majesté le Roi Gan : Il faut bien entendu jouir de ses facultés physiques et mentales. Pour le reste, je ne sais pas ; il faut poser la question aux anciens. Il peut y avoir 10 prétendants au trône et au final, c’est un seul qui sera retenu par les anciens et une fois qu’on a porté le choix sur vous, il est difficile de s’y dérober. Les sages se concertent et leur délibération reste secrète ; on ne sait pas pourquoi ils ont choisi tel prétendant au détriment d’un tel autre. Moi qui vous parle, je ne sais pas pourquoi on m’a choisi et il n’est pas possible de refuser surtout que vos parents proches sont impliqués dans le choix, parce qu’ils savent qui vous êtes, si vous souffrez d’un mal ou pas.

Lefaso.net : Comment avez-vous réagi quand vous avez appris qu’on vous a choisi pour être Roi ?

Sa Majesté le Roi Gan : En 2002, quand les anciens se concertaient pour choisir le successeur du roi, j’étais très jeune et je ne pensais pas qu’on allait me choisir. A l’époque, un de mes oncles, qui pouvait prétendre au trône, a décidé de partir en Côte d’Ivoire. Je lui ai dit, mais on est en train de chercher un roi et toi tu veux aller en Côte d’Ivoire ? Il a répondu en disant que si par hasard, le choix se portait sur lui et si les rites ne sont pas encore faits, il peut suggérer de prendre son frère ou un de ses neveux qui remplit les critères. « Quel neveu tu as pour te remplacer ? », lui ai-je lancé. Il a souri et est parti. Finalement, c’est moi qui ai été choisi et intronisé en son absence. Malheureusement, en 2006 il nous a quittés avant d’avoir 70 ans ! Certes, la mort est naturelle, mais il y a beaucoup de choses aussi qui entrent en compte parce que je n’imaginais pas que le choix allait se porter sur moi. Il y a beaucoup de mystère dans cette affaire

Lefaso.net : Au nom de la continuité de la royauté, vous héritez tout de votre prédécesseur…

Sa Majesté le Roi Gan : Oui, j’assume l’entièreté des charges. J’hérite des femmes, et même celles du roi d’avant mon prédécesseur, et comme ce sont de vieilles femmes, il faut les garder et veiller sur elles. Les enfants sont aussi à ma charge et comme en pays mossi, ce sont les vieilles femmes qui donnent des conseils au roi. C’est grâce à elles que le roi comprend certaines choses qui se déroulent dans le palais ; ce sont elles qui lui donnent des avis éclairés sur les sujets qu’il ignore.

Lefaso.net : Certes, vous héritez des veuves, mais avez-vous la liberté de choisir votre épouse si vous n’étiez pas marié au moment de votre intronisation ?

Sa Majesté le Roi Gan : Même si j’étais déjà marié, on choisit aussi une femme pour moi et c’est elle qui doit faire la cuisine pour moi au moment de l’intronisation et non celle que j’ai épousée. Cette dernière ne viendra que lorsque j’aurais intégré le palais, mais pendant les trois mois de préparation, c’est la femme qu’on a choisie qui s’occupe de moi, et elle n’est pas forcément du palais

Lefaso.net : Par quel processus sont prises les décisions dans votre royaume ?

Sa Majesté le Roi Gan : Pour les décisions, il faut concerter les gens parce que le peuple est souverain et il faut prendre en compte les idées et les apports des autres, les suggestions des uns et des autres avant de décider. Si vous prenez une décision qui pèse sur vos sujets, ils vont sortir et commencer à murmurer, dire que si ce n’est pas parce qu’il est roi, ce qu’il a fait n’est pas acceptable. Ils peuvent même constituer une délégation et venir vous voir au sujet de cette décision.

Lefaso.net : Vous êtes donc un roi démocrate…

Sa Majesté le Roi Gan : (Rires) C’est vous qui dites ça, mais c’est comme ça que je vois les choses, et c’est pareil quand il faut rendre la justice. C’est important d’écouter chaque partie avant de trancher, et même quand on a rendu la décision, il peut arriver que les gens reviennent vous demander d’examiner à nouveau la sentence afin que les habitants puissent continuer de vivre ensemble

Lefaso.net : Quels sont vos rapports avec la justice de l’Etat moderne ?

Sa Majesté le Roi Gan : Vous savez, dans la vie, on ne peut pas être parfait pour toit le monde. Vous pouvez prendre une décision et d’autres vont trouver qu’elle ne leur convient pas, et dans ce cas, ils vont porter plainte en justice. Mais en fonction de la nature du problème, il arrive que la justice estime que l’affaire doit être régler devant le roi. Il s’agit par exemple des problèmes liés à la terre dans les zones non loties. Avant d’octroyer un terrain à quelqu’un, il faut passer par un chef de terre et si un jour il y a problème, la justice est mal placée pour gérer ce type de conflit parce qu’elle n’était pas là quand on octroyant le terrain. Si quelqu’un qui a prêté un terrain décide de le reprendre quelques années plus tard et que l’autre refuse en disant qu’il a investi dessus, donc ça lui appartient, comment la justice peut-elle régler un cas pareil ? Il n’y a que nous qui pouvons trouver une solution face à de telles situations

Lefaso.net : Combien d’habitants compte votre royaume ?

Sa Majesté le Roi Gan : Le royaume comprend Loropéni et Guibè et compte 70 000 âmes, Gans et non Gans compris ! Je ne suis pas roi uniquement pour les Gans, mais pour toute personne qui réside dans mon royaume ; chacun peut venir me voir s’il a des problèmes parce qu’il doit être protégé comme tout le monde sans distinction. Il m’arrive d’aller rencontrer la communauté mossi pour discuter de problème de vol de femme. Je peux avoir en face de moi le mari dit que tant que l’autre ne ramène pas sa femme, il va faire couler le sang, or je ne veux pas que le sang coule dans mon royaume ! Donc, j’appelle les deux parties pour trouver une solution et préserver la paix.

Lefaso.net : Est-ce vrai que vous avez arrêté vos études pour devenir roi ?

Sa Majesté le Roi Gan : On peut dire ça ! J’étais au collège, en classe de 4e quand on m’a choisi pour devenir roi et je n’ai pas pu continuer. Mon père était dans un âge avancé et n’arrivait plus à payer mes études. N’ayant pas de soutien, il fallait retourner au village. Je n’ai pas baissé les bras et je me battais pour réunir l’argent nécessaire afin de reprendre les études en me disant qu’il faut avoir au moins le brevet et ensuite, passer des concours. C’est dans ce combat qu’on m’a choisi pour devenir roi. C’est le destin !

Lefaso.net : Etes-vous un roi heureux ?

Sa Majesté le Roi Gan : (Rires) Dire que je suis un roi heureux, c’est trop dire, car je suis devenu un prisonnier ; je ne suis plus libre comme les autres. Etant roi, il y a des comportements qu’on ne doit pas avoir parce que le peuple vous regarde et il faut éviter de commettre des fautes même si on sait que l’homme n’est pas parfait. Même l’Etat a un regard sur moi ! Tous les jours, je dois savoir faire la part des choses et diriger correctement mes sujets. Je sais qu’on ne peut pas satisfaire tout le monde mais il faut quand même faire un minimum pour répondre aux attentes du peuple.

Propos recueillis à Obiré par Joachim Vokouma,

Lefaso.net (France)





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